Ce dimanche 11 juin, les électeurs qui souhaitaient poster un message à propos du premier tour des élections législatives sur Twitter se voyaient proposer par le service le hashtag suivant: #legistatives2017. Oui, «légistatives», avec un t. Une faute de frappe dont la popularité est due à l’utilisation un peu hâtive par certains gros comptes de ce hashtag défectueux, et qui sonne comme un symbole de ce scrutin désormais délaissé où, pour la première fois sous la Ve République, moins d’un Français sur deux a voté. Un taux en baisse de sept points par rapport à 2012. Les législatives ont toujours été moins mobilisatrices que la présidentielle, mais ont longtemps affiché des taux de participation bien plus élevés. En 1978, année où était espérée ou redoutée une première cohabitation, celle-ci frôlait par exemple 85% au second tour, un record. En 1988 encore, elle était de 65% au premier tour, alors que les Français avaient réélu François Mitterrand un mois plus tôt, qui avait immédiatement dissout l’Assemblée. Pour situer à quel point la participation de ce 11 juin est basse, il suffit de dire qu’elle est identique à celle des premiers tours des départementales et des régionales de 2015, ou très nettement inférieure à celle des municipales de 2014 (près de 64%). Comme l’explique le sondeur de l’Ifop Frédéric Dabi, nous avons ici affaire à un «cocktail» de facteurs, à un fiasco découlant à la fois de raisons conjoncturelles (le flou de la situation politique actuelle), mais aussi structurelles (les faiblesses de notre système politique). La campagne électorale a été essentiellement scandée par le retour des affaires, d’abord autour du ministre de la Cohésion des territoires Richard Ferrand, puis des assistants parlementaires du MoDem. Elle a aussi été marquée par une ambiguïté encore plus importante que d’habitude autour des étiquettes politiques des candidats, comme en témoignent le fait que la République en marche ait choisi d’«épargner» certains candidats PS ou LR, que d’autres ont tenté plus ou moins habilement de raccrocher le train de la majorité présidentielle ou encore les bisbilles entre la France Insoumise et le PCF autour de l’exploitation de la dynamique Mélenchon. Les deux principaux partis de l’Assemblée sortante, qu’il s’agisse du PS ou de LR, n’ont pas réussi à imposer l’idée d’une possible cohabitation: le premier n’avait même pas de leader faisant figure de possible Premier ministre alors que chez le second, François Baroin, qui ambitionnait ce rôle il y a un mois, a terminé la campagne en reconnaissant que tout ce qu’il pouvait espérer, c’était une défaite honorable. Pas vraiment le mieux pour inciter ses électeurs à se rendre aux urnes… Enfin, un autre facteur mineur, l’explosion des candidatures, motivées pour certaines avant tout par la volonté de s’assurer un financement électoral, n’a pas contribué à rendre l’offre électorale plus claire. Ces arguments conjoncturels ne doivent pas en faire oublier un autre, structurel, la combinaison du «fait majoritaire» et de la succession de la présidentielle et des législatives à quelques semaines d’intervalle, qui contribue depuis 2002 à saper l’intérêt de ce scrutin. Le scrutin majoritaire à deux tours a tendance à amplifier les majorités et laminer les minorités, penchant vérifié cette année puisque La République en marche est annoncée entre 390 et 430 élus (soit près du trois quart des députés) avec 32% des voix au premier tour selon Ipsos, quand le Front national, avec près de la moitié de son score en voix, devrait finir avec 3 à 10 députés. Cette disparité n’est pas forcément injustifiable (si le FN finit aussi bas, c’est aussi parce que son attitude et son programme le mettent en dehors du champ des alliances avec d’autres partis et lui offrent des reports médiocres) mais est devenue plus problématique maintenant que les législatives ont été transformées en élections «bonus» avec la réforme du calendrier électoral de 2002.
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