L’affaire Fillon a, à bien des égards, été en tous points exemplaire : elle a montré combien les politiques se fichaient royalement de la tête des électeurs ; peu d’affaires ont montré à ce point les ficelles grossières dont usent les politiques pour se défausser des accusations qui leur sont faites. Il y a peu, je me suis rendu à Bruxelles à l’occasion d’un incentive où j’ai pu débattre de ce scandale avec d’autres personnes. Et l’échange a, comme vous pouvez vous en douter, été animé ! Certaines personnes y avançaient en effet que Fillon a été intelligent et réactif tout du long, qu’il a fait preuve d’autorité et de grandeur. Mais pour moi, c’est vraiment s’aveugler : ce gars n’a au contraire fait qu’attiser le feu. En effet, s’il s’était excusé dès les premiers jours et avait proposé de payer les sommes perçues, je crois que la question aurait été réglée manu militari ; les citoyens auraient jugé que ces habitudes faisaient partie du paysage à une époque, mais qu’en faisant un geste, Fillon témoignait de sa probité légendaire ; à n’en pas douter, il en serait ressorti réhabilité et même encensé. Au lieu de ça, l’homme a choisi le pire positionnement possible : il a décidé de démentir en bloc, d’accuser les journalistes de misogynies, avant d’envoyer des lieutenants qui se contredisaient sans cesse. Difficile de faire pire que ça… Je crois d’ailleurs que des formulations telles que « je n’ai rien à me reprocher » n’ont fait que renforcer la colère sourde qui régnait chez les électeurs ! Et il n’a pas perdu pied tout seul, soit dit en passant : c’est toute la classe politique qui en supporte aujourd’hui les conséquences ; le représentant des LR a manifesté une insolence de tous les instants, une mauvaise foi absolue qui prouve la corruption qui règne. Peut-être serait-il temps de faire pression sur nos élites et de s’aligner sur les pays nordiques en ce qui concerne la liberté politique : les soutiens de Fillon n’auraient pas pu botter en touche d’une manière aussi immorale au Danemark ! En tout cas, j’ai bien apprécié cet incentive. Si le sujet Fillon a passablement excité les esprits, les animations offertes ont permis de prendre nos distances. D’ailleurs, je vous mets en lien l’agence qui s’en est occupée… Retrouvez toutes les infos sur cette activité incentive à Bruxelles en suivant le lien.
Monthly Archives: janvier 2018
De l’objet social
« Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! », chantait mielleusement le générique d’un formidable film du même nom réalisé par Jean Yanne il y a une quarantaine d’années. On y voyait le patron cynique d’une station de radio repositionnant sa station sur le mode de la charité et de l’amour universels avec, évidemment, comme seul objectif, non pas les bons sentiments, mais… l’accroissement de la publicité. Il serait bon d’organiser, à la faveur des fêtes de fin d’année, une projection privée de ce petit bijou pour Nicolas Hulot, Bruno Le Maire et Emmanuel Macron, les deux premiers bien décidés à modifier le code civil pour que l‘objet social des entreprises soit élargi à « des préoccupations plus sociales et solidaires », le troisième étant hélas tenté de les suivre… Ce projet aussi mièvre que démiurgique a pour but, comme l’a dit Hulot de « faire en sorte que les principes et valeurs de cette économie sociale et solidaire, cette économie pionnière, celle qui tend la main, celle qui partage, celle qui préfère la coopération à la compétition, devienne désormais la norme et non plus l‘exception ». A vous tirer des larmes ! On serait tenté d’objecter au « ministre de la Transition écologique et solidaire » – intitulé baroque qui aurait dû dès l’abord nous faire craindre le pire – qu’il existe déjà toutes sortes de sociétés (ESUS, Scop, Scic…) permettant à leurs fondateurs de poursuivre, s’ils le souhaitent, des objectifs désintéressés dans un cadre fiscal d’ailleurs dérogatoire et favorable – si bien qu’on voit mal en quoi son projet répond à un besoin criant. On pourrait aussi lui faire remarquer que l‘article 1833 du code civil, celui qui vise l’objet social, dispose certes que la société doit « être constituée dans l‘intérêt commun des associés », mais aussi que « toute société doit avoir un objet licite » – naturellement, elle doit aussi respecter, dans son activité, toutes les dispositions légales dont on ne sache pas qu’elles soient, en France, en nombre spectaculairement insuffisant. On pourrait, enfin, lui opposer cette évidence que personne ne pourra sérieusement contrôler que les entreprises souscrivant, dans le futur objet social « élargi », à toutes sortes d’engagements admirables mais parfaitement vagues comme celui de poursuivre « l‘intérêt général économique, social et environnemental », les tiendront bien. Mais il y a pire. Le pire, c’est que nos ministres, en bons Français, sont empreints d’une culture politique héritée du catholicisme et du jacobinisme puis retrempée au marxisme qui interdit même d’imaginer qu’un bien public puisse être obtenu autrement qu’au terme d’une injonction spécifique à faire le bien, si possible exprimée par l’Etat ou écrite dans la loi. Dans cette culture française, a fortiori, on ne croit pas un instant qu’un agent économique souhaitant simplement faire son propre bonheur puisse également, fût-ce par surcroît et inintentionnellement, faire celui de la collectivité. C’est pourtant ce que nous montre à l’envi toute l’histoire du capitalisme : depuis deux cents ans, en cherchant bêtement à s’enrichir, les affreux associés de ces horribles entreprises à l’objet social égoïste ont permis à des milliards d’individus, en Occident, puis dans une grande partie du reste du monde, de gagner en prospérité et en bien-être dans des proportions inimaginables. La philosophie politique française a ici un sévère angle mort : dans la vision anglo-saxonne, qu’illustrent particulièrement Mandeville puis Adam Smith, l’alignement naturel des intérêts entre l’entrepreneur intéressé et la société dans son ensemble est tout simplement acté. On n’oppose nullement l’un à l’autre par principe. Si l’Etat doit parfois intervenir pour corriger un excès, c’est très rarement – pour éviter, par exemple, qu’un monopoliste se transforme en accapareur. En « période de croisière », les uns cherchent à s’enrichir, les autres en retirent produits nouveaux, baisse des prix et amélioration générale de leur condition. Bayer, inventeur de l’aspirine, Ford, introducteur de la première voiture pour tous, ou encore… Apple n’ont jamais été des philanthropes ! Mais l’humanité a considérablement bénéficié des efforts qu’ils ont faits pour accroître leurs profits.