Vladimir Poutine a réussi un pari impossible à perdre : être réélu, en pleine crise avec l’Occident, président de Russie pour un quatrième mandat de six ans. D’après les chiffres de la commission électorale, il aurait obtenu 76,67% des voix après dépouillement de 99% des bulletins, contre 63,6 % en 2012. Une victoire perçue comme un signe de la « confiance » et de « l’espoir » des Russes, selon l’homme fort du Kremlin. Stabilité mais isolement Le scrutin s’est déroulé dans un climat de quasi-guerre froide qui a pu contribuer à un ralliement autour du drapeau, c’est-à-dire autour du chef de l’Etat, avec aussi un sentiment de crainte face à l’isolement du pays. En effet, suite à l’empoisonnement le 6 mars en Angleterre d’un ex-espion russe, le Royaume-Uni a pris mercredi des représailles diplomatiques en expulsant 23 diplomates russes, soutenu par Paris, Berlin et Washington, auxquelles Moscou a répliqué samedi par des mesures équivalentes. Le Kremlin a dénoncé les « provocations » britanniques. La réelle popularité de Vladimir Poutine, crédité de la stabilité du pays depuis son arrivée au pouvoir en 2000 et du retour de la Russie sur la scène internationale, ajoutée au verrouillage du jeu politique, ont fait le reste. « Les Russes ont perdu confiance dans presque toutes les institutions sauf… Vladimir Poutine, l’église et l’armée, souligne le politologue indépendant Dmitrï Oreshkine, en dix-huit ans, sa popularité a toujours atteint des sommets au moment des guerres : Tchétchénie, Géorgie, Ukraine… « . Une opposition insignifiante Face à Vladimir Poutine, l’opposition était réduite au silence médiatique et à l’insignifiance. Sur les sept candidats (deux communistes, deux ultranationalistes et trois libéraux), un seul a obtenu un score notable, le communiste Pavel Groudinine, avec 12 % des voix. Ksenia Sobtchak, figure libérale aux positions proches des Européens (elle a eu le cran de contester l’annexion de la Crimée) et par ailleurs fille du mentor de Poutine, est créditée de 2 à 3 % des voix. Ce manque de suspense, ajouté aux frustrations devant la chute de 12 % en moyenne des revenus depuis 2014, faisait craindre au Kremlin une participation en baisse par rapport aux 65 % de 2012. Selon les sondages sortis des urnes, elle aurait en fait été de 68 %. « Les autorités, à Moscou et en régions ont été prévenues : le président doit obtenir plus de voix qu’en 2012… « , soit 45,6 millions au moins, avait expliqué Alexeï Venediktov, directeur de la radio Ekho de Moscou. En sus des habituels « zakouski » (ballons, musique, buffets), le pouvoir a essayé de doper la participation en organisant des référendums sur des questions locales, en proposant des check-up médicaux gratuits, ou en offrant places de concerts et… poulets. Des irrégularités En revanche, les fraudes flagrantes qui avaient entaché le scrutin de 2012 semblaient moins nombreuses. Si l’ONG Golos a recensé 2.288 incidents, il s’agissait surtout d’interdiction d’accès à certains des 60. 000 observateurs, ou d’acheminement illégal d’électeurs en bus. La moitié des 97.000 bureaux de vote étaient dotés de caméras. Les Echos ont pu ainsi voir en direct, au centre de coordination des observateurs à Moscou, la vidéo d’une électrice glissant deux bulletins dans l’urne. « J’ai confiance dans le fait que le programme que je propose est le bon pour le pays », a déclaré Vladimir Poutine, après avoir voté. Un programme dont, à vrai dire, on ne sait presque rien, puisqu’il a évité tous les débats durant la campagne et s’est contenté de deux très brefs discours lors de meetings électoraux. Il n’empêche, à la fin de son dernier mandat, selon la Constitution, son règne aura été le plus long (hormis Staline, hors concours) derrière Alexandre II en 1885…
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