j’ai suivi un séminaire à Lille portant sur la croissance.

La démonstration qui m’a le plus intéressé ne montrait pas comment la retrouver, mais pourquoi elle est impérative. Depuis deux siècles, le niveau de vie n’a cessé d’augmenter de façon étonnante – tout particulièrement en Occident. Certaines personnes remettent donc en question la thèse selon laquelle nous ayons encore un réel besoin de poursuivre cette croissance. Ces personnes mélangent la croissance économique au consumérisme, au développement des inégalités, à la société de surconsommation… Mais c’est une erreur. On ne peut disconvenir que sans croissance, aujourd’hui, nous ne connaîtrions pas de centres commerciaux, ni de matérialisme ou de pubs à outrance. Cependant nous ne pourrions pas non plus jouir de soins de santé, de l’école, de réglementations environnementales. C’est la croissance qui nous autorise aujourd’hui travailler beaucoup moins longtemps qu’auparavant. C’est aussi la croissance qui a fait en sorte que la mortalité infantile n’ait jamais autant reculé, qu’un réseau de transports a été établi, que certains pays peuvent raffermir l’éducation, que la redistribution est réalisable grâce aux prélèvements fiscaux. La croissance ne constitue pas un aboutissement, mais elle rend plutôt d’autres choses possibles. Elle n’est au final qu’un instrument permettant à des individus, des entreprises ou des Etats d’agrémenter leur situation. La manière dont ils gèrent cette croissance et construisent leurs priorités dépend en définitive de leur choix personnels. Dans certaines régions du monde comme le Qatar, une extension de la fortune alimentera probablement l’édification de pistes skiables en plein désert, de splendides centres commerciaux ou à la réalisation d’un circuit de F1. Un pays tel que la Chine profitera sans doute de la croissance pour obtenir des terres arables étrangères, racheter certains vignobles en France, instituer un système de sécurité sociale ou bâtir des bâtiments militaires. Un pays comme la Suède choisira de augmenter la couverture sociale, de mettre en place une période de travail réduite ou de préférer une plus grande protection du climat. Aux États-Unis, une amélioration de la richesse sera sans doute allouée à la défense et à l’abaissement les impôts. La croissance n’est donc pas une fin : ce qui domine, c’est ce que celle-ci permet à la société de faire. Il en va de même pour les personnes. Quand un individu progresse au niveau financier, il lui revient de effectuer ses propres choix. Certains useront de cet argent pour gagner plus de produits de consommation ou un plus gros téléphone, pour faire des voyages exotiques. D’autres opteront pour l’épargne de leurs enfants et petits-enfants. D’autres encore opteront pour des produits frais plus onéreux, défendront Greenpeace ou aideront directement les pays en voie de développement. On peut critiquer certains de ces choix. Tout un chacun a une idée concernant la façon d’employer cette augmentation des capitaux. Mais pour être en mesure de effectuer ces choix, la croissance est nécessaire. Qu’on parle d’éducation, de plus de soins de santé, d’un recul de l’âge légal de départ à la retraite, de défense, de moins de pollution environnementale ou de subventions culturelles… Sans croissance, une société ne peut progresser. Ce séminaire à Font Romeu fut une excellente surprise.

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